Mont Joly |
Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie |
voir la page consacrée aux observations structurales de détail relatives au chaînon du Mont Joly |
Le chaînon NE-SW qui sépare la haute vallée de l'Arly (Megève) de celle du Val Montjoie (Les Contamines) culmine au Mont Joly (2525 m). L'érosion atteint le socle cristallin d'une part du côté oriental, au plus profond de la vallée du Bon Nant et d'autre part du côté nord-occidental, à Megève. Par contre la crête et les pentes du Mont Joly sont pratiquement formées de terrains sédimentaires sur toute leur hauteur. Il s'agit des couches argilo-calcaires de la base de la succession dauphinoise, d'âge Jurassique inférieur (Lias), où ne s'individualisent guère, sous forme d'abrupts un peu plus marqués, que les niveaux plus résistants du Lias moyen (Lotharingien - Carixien), à faciès "Lias calcaire" banal ; le Lias inférieur (Hettangien-Sinémurien) se révèle ici formé de calcschistes noirs alternant avec des bancs de calcaires argileux de plus en plus épais vers le haut.
Le Mont Joly, vu du nord-est depuis les pentes du Prarion. (cliché original obligeamment communiqué par Mr. M. Petetin). f.Pj = faille du Pavillon du Joly ; Øst = chevauchement de l'écaille du sommet du Joly ; ØV = chevauchement de l'écaille de Véleray ; ØhCr = chevauchement de l'écaille haute de l'Aiguille Croche ). "Li" = Lias inférieur, plus marneux (Hettangien) ; "Lm" = Lias moyen, plus calcaire (Sinémurien - Lotharingien) ; "Aal" = Toarcien (?) - Aalénien = schistes argilitiques ; "Baj" = Bajocien présumé ( non daté). (voir aussi l'ensemble du versant est, de face depuis le Truc, en début de la page "détails") |
Ces couches liasiques atteignent (surtout sur le versant est de la montagne) une forte épaisseur, de l'ordre du millier de mètres. Cela a suggéré de longue date qu'elles y soient affectées de redoublements tectoniques, ce qui semble d'ailleurs confirmé par d'apparentes répétitions de couches (jamais confirmées paléontologiquement toutefois). Mais les chercheurs qui ont étudié ce massif ne se sont jamais accordés sur la part à attribuer, dans la formation de ces répétitions, d'une part au jeu de surfaces de chevauchement et d'autre part à celui de plis couchés (voir en page "analyse structurale" la confrontation des deux options).
Versant occidental du chaînon du Mont Joly :
Les longs escarpements qui ferment la dépression de Megève du côté sud-oriental offrent une coupe naturelle ou la roche est remarquablement mise à nu mais dont l'accès est dans l'ensemble difficile. On y voit notamment que le Lias calcaire des hauts escarpements repose très clairement, par une rupture de pente quasi rectiligne et sensiblement parallèle à la ligne de crête, sur un soubassement de terrains plus récents qui affleurent dans les pentes, plus douces et plus couvertes par la végétation, qui en descendent vers Megève. Cette rupture de pente correspond clairement à la base du chapeau de Lias calcaire (= Unité du Mont Joly) et souligne son repos sur les schistes de son soubassement (= Unité du Mont-d'Arbois).
Par ailleurs cette surface de discontinuité recoupe en biseaux aigus pointant vers le nord les bandes alternativement plus calcaires (formant falaises) ou plus marneuses (déterminant des vires plus ou moins marquées qui constituent le chapeau liasique chevauchant et qui se montrent disposées de façon très monoclinale. Cette observation s'inscrit bien en faveur de son interprétation comme une surface de chevauchement tranchant les couches d'une grande klippe de Lias, telle qu'elle est figurée sur la carte géologique (feuille Saint-Gervais).
Cependant un raide talus, formé d'alternances marnes-calcaires, soutient ce ressaut et le sépare des schistes aaléniens non carbonatés des pentes inférieures : l'attribution stratigraphique des couches qui forment ce talus est en fait inconnue et diffère selon que l'on admet l'une ou l'autre des deux interprétations tectoniques proposées.
- pour G. Mennessier (carte géologique Saint-Gervais, 1977) il s'agirait de Bajocien en position normale au dessus de l'Aalénien. Cela implique que le Lias de l'Unité du Mont Joly repose sur ce Bajocien par une surface de chevauchement : cette interprétation paraît plausible, mais l'âge du Bajocien présumé n'est pas étayé paléontologiquement. - pour J.L. Epard (1990) ce talus serait constitué de Toarcien.
Mais cet auteur n'apporte aucune preuve paléontologique en faveur de de cette attribution et aucun argument pour distinguer ces couches de celles reconnues comme bajociennes ailleurs.
En fait il se base seulement en cela sur une lecture tectonique erronée de l'ordonnance des couches du Mont Géroux. |
Le versant septentrional du Mont Géroux, vu du NW depuis la Croix du Christ. Interprétation finalement proposée par l'auteur du site geol-alp. ØJ = surface de chevauchement de l'Unité du Joly ; f.Pj = faille NW-SE du Pavillon du Joly ; éc.st, éc.V, éc.s+h = écailles imbriquées de l'unité du Joly (écailles du sommet du Joly, du Véleray, du sommet et haute de l'Aiguille Croche). L'astérisque rouge localise l'affleurement étudié à la page des détails structuraux. |
En fait rien n'indique, dans ce versant ouest du chaînon, que l'Unité du Joly ait la structure d'un pli couché et tout converge pour conclure que ses calcaires liasiques sont globalement à l'endroit et que le pied de leurs escarpements semble plutôt correspondre à une surface de chevauchement. Celle-ci les fait reposer sur un soubassement plus autochtone, essentiellement formé par l'Aalénien épais que l'on peut rattacher à une Unité du Mont-d'Arbois. En effet on peut distinguer cette tranche de roches de l'autochtone adhérent au socle car son soubassement de Lias moyen - inférieur affleure au dessus de ce dernier autour de la boutonnière de socle de Megève : il y détermine un ressaut dans les ravins qui convergent pour former le ruisseau de Planay, notamment sous les chalets de La Stassaz (le redoublement de la succession liasique y est même souligné par la présence d'une lame de cargneules).
image sensible au survol et au clic |
B / Dans le versant oriental du chaînon, c'est-à-dire sur le versant du Bon Nant, on observe en fait plusieurs surfaces de chevauchement dont les tracés courent à flanc de versant (ceci y est facilité par la dénudation plus large et par le pendage des couches dans le sens de la pente, ce qui en élargit la surface d'affleurement). L'un d'entre eux, qui aboutit au pied est de l'épaule du Mont Géroux, est à peu près identifiable à celui porté sur la feuille Saint-Gervais de la carte géologique au 1/50.000° mais, contrairement aux indications de cette carte, les alternances argilo-calcaires qui se affleurent plus bas sous ce chevauchement ne sont pas attribuables au Bajocien de l'Unité du Mont-d'Arbois.
C'est ce qu'ont montré les récoltes paléontologiques (Barféty et Mouterde, 1978) qui conduisent à dater de l'Hettangien les couches les plus argileuses, qui y avaient été attribuées au "Lias supérieur" (= Toarcien-Aalénien) sur la carte ; en outre on est conduit, de ce fait, à rapporter au Lotharingien - Carixien les couches plus calcaires, représentées sur la carte comme bajociennes. |
En réalité au sud-ouest de Saint-Nicolas-de-Véroce, à partir des vallonnements de Porcherey, au dessus du Planey les schistes aaléniens ne se prolongent pas vers le sud et tout ce versant est de la montagne s'avère être formé de couches liasiques qui reposent en succession normale sur le Trias affleurant en pied de versant.
Afin de tirer au clair la géométrie structurale de ce versant je me suis livré à un examen approfondi de la disposition des tracés de toutes les couches visibles, pratiqué notamment en scrutant et confrontant de multiples photos des escarpements dénudés, prises sous différents angles (voir la page "analyse tectonique"). Cet examen n'a révélé aucune trace de charnière de pli couché, mais il a montré par contre, que la pile des couches liasiques y est affectée sans conteste de plusieurs surfaces de biseautage tectonique faiblement obliques à la succession des strates. C'est à la faveur de ces accidents, clairement reconnaissables sur la plus grande longueur de leur tracé comme des paliers de chevauchement, que se produisent plusieurs répétitions de succession, chacune repérable par la réapparition d'une séquence constituée par les calcschistes hettangiens passant vers le haut à des alternances de plus en plus calcaires du Sinémurien - Lotharingien. La conclusion de cette analyse est donc clairement que l'épaisseur considérable des couches, toutes liasiques, de ce versant oriental de la montagne y est dû à une structure en écailles imbriquées, qui sont formées chacune d'une tranche de couches à l'endroit et que séparent des surfaces de chevauchement (au nombre de trois en ce qui concerne le Mont Joly proprement dit). Elle est représentée sur les deux figures ci-après (dont les modes de représentation se complètent mutuellement). |
image sensible au survol et au clic |
La surface principale, base de l'écaille du Véleray, ceinture le pied du Mont Géroux et se confond là, sur son versant ouest, avec la surface de base de l'unité du Joly (c'est sensiblement elle que représente la carte géologique Saint-Gervais). Mais on repère en outre, peu au dessus, une autre surface de chevauchement qui isole une "écaille sommitale" se limitant au chapeau de l'extrême sommet de la montagne De plus, au sud de La Combaz, une imbrication secondaire individualise une "écaille du sommet de l'Aiguille Croche". En contrebas du chevauchement du Véleray, une deuxième surface majeure de redoublement des couches liasiques, base d'une "écaille haute de l'Aiguille Croche", traverse le versant et s'y poursuit vers le sud-ouest jusqu'à passer au pied sud de l'Aiguille Croche. Mais le Lias calcaire de cette écaille ne se prolonge pas vers le nord au delà du ravin qui descend du Mont Géroux vers le Planey : il y fait place aux couches bajociennes et aaléniennes de l'unité du Mont d'Arbois. Sous le chevauchement de l'écaille haute de l'Aiguille Croche les ravins entaillent enfin les couches (toujours bien datées du Lias) d'une écaille médiane de l'Aiguille Croche qui affleure dans les pentes inférieures de la rive gauche du vallon du Nant Rouge ; sa signification exacte se révèle en étudiant les abords de l'Aiguille Croche. |
image sensible au survol et au clic |
Enfin il faut noter que les couches affectées par ces imbrications sont tordues par l'"anticlinal de la Clochette" : c'est une une ample inflexion anticlinale, d'axe NW-SE (N.110°), qui fait que les couches du versant ouest de la vallée plongent vers l'est, de plus en plus fort vers le bas des pentes, en direction de la vallée des Contamines. Cette disposition est assez clairement un crochon* antiforme généré par le jeu de la faille du Pavillon du Joly, laquelle est visiblement dotée d'un fort pendage vers le SW.
Une première conséquence de cette disposition est qu'elle accroît encore la surface d'affleurement du Lias. Mais surtout ce dessin en crochon suggère aussi que le jeu de cette cassure transverse a occasionné un soulèvement de l'Unité du Joly par rapport à l'autochtone affleurant plus au NE, en fond de vallée. Cela interroge sur les rapports entre les deux lèvres de la cassure dès lors que l'on constate leur dissemblance : au sud s'empilent les écailles du Joly tandis qu'au nord les terrains de l'autochtone, pentés vers l'ouest, sont la simple couverture du socle cristallin du Prarion et sont dénués de tout redoublement par imbrication du Lias. D'autre part le plongement vers le fond de la vallée des Contamines des couches qui constituent les écailles du Joly interdit d'envisager qu'il y ait un rapport de continuité, par dessus cette vallée, entre elles et les plis qui affectent le Lias bien plus haut sur sa rive droite (Mont Vorassay). Cela s'ajoute d'ailleurs à leur différence de style pour faire renoncer à considérer que ces plis, seulement déversés vers l'ouest et adhérents au socle cristallin, seraient les "racines" des imbrications monoclinales du Mont Joly. Il faut donc définitivement renoncer à l'ancienne interprétation en "pli couché digité du Mont Joly" proposée par E. Paréjas en 1925 et plus ou moins implicitement acceptée par J.L. Epard en 1990). Enfin il faut remarquer la direction du rejet compressif de la faille du Pavillon, savoir du SW vers le NE, est pratiquement orthogonale à celle (du SE vers le NW) des imbrications et des plis du Joly, créés par le cisaillement sub-horizontal de la couverture de ce secteur. Ce rejet s'inscrit en fait dans le cadre de mouvements longitudinaux par rapport aux massifs cristallins externes qui apparaissent tardifs. |
voir la page consacrée aux observations structurales de détail relatives au chaînon du Mont Joly |
En définitive le problème de la structure exacte du Mont Joly semble désormais résolu, après un siècle de discussions entre les tenants du charriage par surfaces de chevauchement et ceux de l'empilement de plis couchés, et ceci en faveur des premiers (mais avec une nuance concernant le soubassement de l'Aiguille Croche).
image de plus grande taille |
En fait cette structure est régie par le même style tectonique qui est clairement observable sur les rives ouest et est de la cluse de l'Arve, à son entrée amont, lequel consiste en une imbrication de tranches, découpées dans la succession stratigraphique par des surfaces de chevauchement à faible pendage par rapport aux couches et déformées par des bandes froissées. Simplement elle affecte ici des niveaux moins élevés (en fait basaux) de la succession stratigraphique, mais on peut considérer qu'il y a, de part et d'autre de la vallée de l'Arly, continuité d'un même dispositif tectonique, à peine modifié par le fait que l'on s'élève dans la succession et dans les niveaux structuraux* (voir la page "Megève - Val Montjoie").
Dans ce dispositif il est assez remarquable que les écailles imbriquées de l'unité du Mont Joly sont tranchées en biais par une cassure orientée NW-SE, la faille du Pavillon du Joly (dont les caractères posent, comme dit plus haut, une question d'interprétation), mais aussi que le chevauchement de cette unité du Joly masque ou prolonge (?), au sein de la couverture, la cassure principale de l'"accident médian" du socle cristallin de Belledonne. |
Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie. |
|
|
|
Megève | Les Contamines | |
|
|
|
|
Mont Joly |
|