Megève, Combloux |
La localité de Megève occupe un large col au point le plus haut du sillon faisant communiquer la vallée de l'Arve au nord avec la haute vallée de l'Arly au sud. Cette dernière sépare le Beaufortain nord-occidental des contreforts orientaux de la chaîne des Aravis, plus précisément le chaînon du Mont Joly au sud-est et les crêtes de Croise Baulet au nord-ouest.
Ce sillon, orienté SW-NE, s'élargit là vers le sud, du fait qu'il reçoit de ce côté le vallon qui draine le versant nord de la crête du Mont Joly, lequel correspond aux sources de l'Arly.
Le vallon des sources de l'Arly est en fait parcouru par deux torrents, celui du Planay à l'est et celui du Giapet à l'ouest. Or leurs deux cours, bien que longs d'une demi-douzaine de kilomètres, restent sensiblement parallèles et distants en moyenne de 400 m l'un de l'autre. Entre les deux s'étend une bande de terrain alluvial peu déclive et à surface régulièrement ascendante dont l'extrémité amont a été utilisée pour y emplacer l'altiport de la station (voir ces détail sur le cliché annexe, en fin de la page).
Cette curieuse disposition topographique s'explique par le fait que, à une date ancienne inconnue, la vallée a dû être parcourue par une lave boueuse : ces alluvions catastrophiques en ont rempli le fond, repoussant ainsi les écoulements résiduels à la marge de leur colmatage. |
À l'emplacement même de Megève l'érosion a dénudé le socle cristallin qui y affleure ainsi selon une surface presque horizontale, jalonnée par une pellicule de grès triasiques, dans une "boutonnière" cernée par les terrains sédimentaires. La nature micaschisteuse de ce soubassement le rattache sans ambiguité au "rameau externe" de la chaîne de Belledonne au sens large, à la différence du socle qui affleure plus au nord-est, dans le Val Montjoie (Prarion, Les Contamines), lequel s'apparente au contraire, sous ce critère, au "rameau interne" de cette chaîne.
Au sein de ces micaschistes la présence, du côté nord-occidental de la boutonnière, du pointement granitique de La Motte, peut paraître incongrue. Plutôt que d'y voir une intrusion exceptionnelle la plupart des auteurs ont cherché à l'expliquer par un transport tectonique plus ou moins lointain, souvent en liaison avec le charriage de la nappe de Morcles. Pourtant cet affleurement est clairement situé sous le tracé local de la surface de la pénéplaine anté-triasique, ce qui semble couper court à ces supputations. |
Les pentes des montagnes du pourtour de cette dépression, sont assez douces car exclusivement formées de couches argilo-calcaires d'âge Jurassique inférieur (Lias) à moyen (Dogger), où ne s'individualisent guère, sous forme d'abrupts plus marqués, que le niveau plus résistant du Lias moyen.
Dans son étude de 1990, J.L.Epard
distinguait, du haut vers le bas, une "unité du
Mont-Joly", qui serait un anticlinorium couché et
un "synclinal du Mont d'Arbois" à coeur
de schistes du Toarcien et de l'Aalénien. Le matériel de ce dernier reposerait sur une "unité
du Sangle" formée de Lias calcaire, qui serait le flanc inverse, seul conservé, d'un pli-couché
très aplati. |
En fait on peut y distinguer du NW au SE, trois secteurs
:
- celui septentrional, des pentes du versant des Aravis (Torraz, Croix de Salles), où une épaisse succession de schistes argileux de l'Aalénien forme tout le versant jusque très haut et repose par l'intermédiaire d'un niveau presque continu de cargneules
qui repose sur un mince niveau de Trias adhérent au socle cristallin.
-
celui intermédiaire, des pentes occidentales et orientales de Megève (Mont d'Arbois au nord-est et Rochebrune au sud-ouest), où ces schistes aaléniens reposent sur un Lias calcaire puissant de quelques centaines de mètres en moyenne (sans doute moins au Mont d'Arbois) ;
- celui, méridional, du chaînon du Mont Joly, dont la crête est rocheuse et exclusivement formé par du Lias calcaire plus épais daté paléontologiquement de l'Hettangien au Carixien.
a) Dans le secteur septentrional, qui inclue la localité même de Megève, l'examen des affleurements (très minces et discontinus) de la base du Lias calcaire montre que ceux-ci sont séparés des grès triasiques qui reposent sur le socle par une bande presque continue de cargneules et de dolomies triasiques. A priori cela semble correspondre simplement à une succession stratigraphique, mais en plusieurs endroits les auteurs y ont décrit l'intercalation de schistes et de grès noirs qui ont été datés paléontologiquement du houiller. Ce niveau (plus ou moins continu ?) a été dénommé la "lame de Vervex", du nom de la localité de la rive gauche de l'Arve où elle affleure le mieux (voir le premier cliché de la présente page).
En dépit de son aspect apparemment interstratifiée au sein des cargneules, entre dolomies triasiques et schistes argileux du Lias inférieur, la mise en place de cette lame de houiller par un processus de remaniement stratigraphique est un peu difficile à envisager. Tous les auteurs considèrent donc qu'il s'agit d'un copeau tectonique mis en place à la faveur d'un cisaillement parallèle aux couches (ce qui est d'ailleurs encore moins facile à concevoir). |
Enfin le haut du versant septentrional de la dépression de Megève révèle aux alentours du sommet de Croise-Baulet un style tectonique en écailles affectées de replis de froissement et séparées par des surfaces de chevauchement plates : il ressemble bien à celui qui est plus clairement observable sur la rive est de la cluse de l'Arve, mais dont la mise en évidence est ici plus difficile en raison des mauvaises conditions d'affleurement.
Le passage de l'un à l'autre des deux premiers secteurs (nord et médian) est simplement interprété comme traduisant leur continuité stratigraphique, la réduction du Lias calcaire du SE au NW se faisant progressivement, soit par amincissement lors de leur dépôt soit par biseautage tectonique.
b) Le secteur intermédiaire, qui inclue la localité de Megève correspond à un épaississement des couches liasiques, qui sont disposées de façon sub-horizontale, comme s'il n'y avait là qu'une succession sédimentaire non déformée, plaquée stratigraphiquement sur le socle cristallin. Toutefois on observe du côté sud-occidental que cette succession est affectée d'un accident tectonique, le chevauchement de l'unité du Sangle, qui y redouble la succession liasique (voir la page "Praz-sur-Arly").
Les crêtes des confins de Megève et de Praz-sur-Arly : vue d'ensemble, du sud-ouest, depuis le sommet du Mont de Vorès. On distingue clairement l'empilement en tranches sub-horizontales des ensembles lithologiques superposés.: u.J = unité du mont Joly ; u.mA = unité du Mont d'Arbois ; u.V = unité de Vorès : l'anticlinal à cœur de cargneules triasiques qui la constitue se ferme apparemment dans le ravin des sources du torrent de Cassioz (concernant ce dernier ensemble voir la page "Praz-sur-Arly") ; u.S = unité du Sangle ; aut. = autochtone. |
Le prolongement de cette unité du Sangle, depuis le sommet de ce nom vers l'est, avait été méconnu par les auteurs antérieurs. Epard, auteur de sa dénomination la prolongeait en direction du nord en lui rattachant toute la crête de Rochebrune (et en lui attribuant d'ailleurs des contorsions tectono-sédimentaires tout-à-fait invraisemblables : voir la page "Praz-sur-Arly"). |
C'est une disposition analogue qui s'observe, à l'est du vallon des sources de l'Arly, par le redoublement du Lias du ravin de la Stassaz, où le contact est souligné par une lame de cargneules (voir la page "Mont Joly").
En fait il s'avère que la limite de ce secteur intermédiaire avec le précédent correspond à une faille de Lady, dont l'évidence découle des levers de l'extrémité septentrionale de la butte de Rochebrune (bien qu'aucun auteur ne l'y aie reconnue) : la carte Saint-Gervais montre en effet que les couches du Lias inférieur et moyen, du fait de leur pendage nord, s'abaissent jusqu'à buter par des termes déjà élevés (Lotharingien ?) contre les affleurements de Trias inférieur qui ceinturent les affleurements de micaschistes de Megève : elles sont nécessairement sectionnées par ce contact, qui tranche également la surface de chevauchement de l'unité du Sangle.
Cette faille est orientée ici presque W-E et elle semble s'engager vers l'ouest dans la vallée de l'Arly, car elle ne se manifeste d'aucune manière en rive opposée de celle-ci. De plus elle paraît susceptible d'y expliquer pourquoi, de part et d'autre de Praz-sur-Arly, l'Aalénien de son versant septentrional affleure presque jusqu'au thalweg alors qu'en rive méridionale ce sont des pointements triasiques qui s'observent à la même altitude.
Du côté oriental sa prolongation au sud de Megève et à l'est du vallon des sources de l'Arly est constituée de façon presque évidente, en passant au col de la Joux, par la faille du Pavillon du Joly : elle y limite du côté NW le redoublement du Lias calcaire induit là par le prolongement très vraisemblable de l'unité du Sangle.
Comme cette dernière, elle abaisse sa lèvre méridionale, en dépit du fait que cette dernière est affectée d'une torsion antiforme faisant penser à un crochon de chevauchement. Cette combinaison antinomique semble être explicable en considérant qu'il s'agit d'une faille extensive affectant le socle mais dont le rejet a été inversé en compression dans un épisode tardif, postérieur aux divers chevauchements. |
c) Le secteur méridional se caractérise par le repos des calcaires liasiques du chaînon du Joly sur les schistes aaléniens du précédent secteur. Comme le contact est plutôt brutal beaucoup d'auteurs, notamment ceux de la carte géologique y voient un chevauchement par une surface de charriage tandis que d'autre l'interprètent comme le flanc inverse d'un grand pli couché (voir à ce point de vue les développements de la page "Mont Joly"). Quoi qu'il en soit on peut continuer à distinguer sur cette base une unité du Mont Joly et à qualifier son soubassement du nom d'unité du Mont d'Arbois, en y englobant l'autochtone véritable qui affleure au nord de la faille de Mady - Pavillon du Joly.
En définitive il est difficile de distinguer ce qui, dans la structure des environs de Megève, relève de plis couchés et/ou de chevauchements (voir à ce point de vue les développements de la page "Mont Joly"). Toutefois la vue d'ensemble des succession de strates qui s'y superposent et l'examen critique des descriptions fournies par les auteurs rendent difficile d'y voir une superposition de flancs de plis alternativement normaux et inverses : elle incite beaucoup plus à y voir des tranches de roche imbriquées par chevauchements à très faible pendage, seulement affectées (sous l'effet du cisaillement résultant) par des bandes de froissement obliques aux couches mais ne générant pas de longs flanc inverses (voir la page "détails tectoniques").
La vue ci-après montre de façon relativement détaillée les quelques complications qui affectent le versant méridional de la boutonnière de Megève (pour le commentaire de la partie supérieure voir la page "Mont Joly").
image sensible au survol et au clic |
Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie
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