Tour Sallière |
Le sommet pyramidal de la Tour Sallière (entièrement situé en territoire suisse) est un nœud d'arêtes qui séparent plusieurs bassins versants divergents. Son côté sud domine le haut vallon de Barberine (et son lac d'Emosson) par des pentes modérées. Au contraire il tombe abruptement du côté nord-est sur le vallon de Salanfe et son lac.
Entre les deux, du côté sud-est, son épaulement oriental (coté 2975) est le point où culmine la crête des Pointes d'Aboillon, dont les abrupts orientaux dominent quant à eux le haut vallon d'Emaney, entre les cols d'Emaney et de Barberine.
Il possède en outre une crête occidentale qui sépare le haut vallon de Barberine, au sud, de celui de Suzanfe au nord en rejoignant le sommet du Grand Mont Ruan, pour se prolonger par l'arête frontalière franco-suisse de Sageroux. Enfin il s'en détache une arête nord, passant par le sommet du Dôme, qui sépare les vallons de Salanfe et de Susanfe.
1 - Du côté septentrional les splendides abrupts qui dominent le Lac de Salanfe donnent une coupe naturelle qui est sensiblement orthogonale aux axes des plis. Cette "coupe de référence" montre très clairement la classique structure en plis couchés, déversés grossièrement vers le nord. On voit bien, en outre, que les plans axiaux des plis y pendent vers NW, comme le fait la surface basale de la nappe (c'est-à-dire celle du chevauchement subalpin) ; ceci traduit clairement un basculement posthume qu'il faut rapporter, de façon à peu près évidente, au basculement de l'interface socle cristallin - couverture sédimentaire au flanc occidental du bloc cristallin des Aiguilles Rouges, lors de son bombement tardif.
Un trait très remarquable de cette coupe naturelle est qu'une grande partie de la succession de couches qu'affectent ces plis est en série renversée. Ceci est notamment le cas à la base des escarpements, alors que sous la frange d'éboulis qui la garnit affleure à l'endroit le flysch nummulitique qui recouvre en transgression presque directe le Trias autochtone.
Le nom d'anticlinal d'Aboillon désigne un anticlinal couché bien visible sur ce versant et se réfère au fait que les couches de son cœur sont constituées par le Bajocien inférieur qui affleure du côté opposé de la crête en formant les Pointes d'Aboillon. Il s'intègre dans la nappe de Morcles en tant que repli supérieur de l'anticlinorium du Ruan dont la charnière tithonique se ferme plus au NW dans les basses pentes du versant nord du Petit Mont Ruan. Son flanc normal est affecté d'un accident mineur, désigné ici comme le chevauchement de la Tour Sallière, qui se prolonge apparemment par un redoublement des couches du Bajocien sur la crête orientale. |
2 - Du côté oriental la partie sommitale de la crête des Pointes d'Aboillon s'avère presque totalement formée par les calcaires du Bajocien inférieur. Plus bas les abrupts orientaux de cette crête montrent splendidement la succession de couches du flanc inverse de la nappe de Morcles. Mais celle ci était originellement supposée constituer le flanc supérieur d'un synclinal couché d'Emaney par lequel cette nappe s'enracinerait là dans l'autochtone. Ce n'est pas le cas car la limite entre les deux est clairement une surface tectonique de chevauchement.
L'examen attentif des niveaux marneux du Berriasien - Valanginien (cliché ci-dessous) montre des replis hectométriques couchés dont les rapports entre flancs longs et flancs courts indiquent le sens de cisaillement : les couches supérieures sont déplacées vers la droite par rapport au inférieures (voir les grosses flèches). |
L'observation d'ensemble du versant oriental de la crête montre que les différents termes de cette succession s'abaissent régulièrement vers le sud, presque parallélement à la ligne de crête jusqu'aux abords du sommet 2782, le plus méridional.
On peut d'autre part conclure qu'elles ont un pendage (vers l'ouest) plus fort que la pente du versant ouest de la crête puisqu'elles n'y réapparaissent pas : c'est d'ailleurs ce qui s'observe dans l'échine des Chaux qui descend parallèlement à la combe du Col de Barberine en direction du lac d'Emosson (notamment dans son épaulement 2351). Mais dans cette dernière (voir plus loin) la qualité des affleurements est insuffisante pour discerner comment se prolongent les bande rocheuses discernables au nord du col.
D'autre part il existe encore, au col Barberine même, une mince lame de grès nummulitiques qui s'intercalent entre le Tithonique renversé de cette succession et le Trias de couverture du massif cristallin. En fait il apparaît surtout qu'au pied de ces abrupts les termes successifs de cette succession renversée sont coupés en biseau, tour à tour des plus récents (Urgonien) aux plus anciens (Tithonique), par un accident tectonique qui court depuis le col d'Emaney jusqu'au col de Barberine. Son obliquité par rapport au couches de la nappe et le cisaillement que son jeu a dû leur faire subir explique l'amincissement de ce flanc inverse.
3 - Du côté méridional du sommet de la Tour Sallière s'ouvre le large vallon de La Chaux qui héberge vers le haut ce qui reste du glacier des Fonds et vers le bas l'extrémité septentrionale du lac d'Emosson. Ses multiples ravin entaillent essentiellement des couches du Bajocien inférieur qui sont pentées vers l'W-NW. Ces dernières apparaîssent comme le prolongement occidental de celles de la crête d'Aboillon car elles forment clairement le soubassement stratigraphique de la barre rocheuse de l'épaule est (cote 3011 de la carte récente).
D'autre part elles reposent plus bas sur un niveau de couches calcaires du Bajocien supérieur qui affleurent assez largement à mi-pente de ce haut vallon à la Tête des Chaux Derrière (point 2395). Elles y sont presque dénudées en dalle structurale entaillées par la Combe de Fonds au lieudit les Traverses. Celà s'explique problablement par le fait qu'elles appartiennent au flanc inférieur de l'anticlinal couché d'Aboillon et y sont mises à nu par les ravins.
Cette disposition traduit le fait que la voûte de ce pli plonge vers le sud, comme le font d'ailleurs toutes les structures du massif : mais la modération de ce pendage a pour effet que l'on ne voit pas réapparaître, dans les basses pentes de ce versant, la suite vers le bas de la succession renversée (c'est-à-dire les couches du Jurassique supérieur et du Crétacé) qui affleure à cette altitude du côté nord de la crête orientale de la Tour Sallière. Celle-ci est cependant représentée en rive droite du Vallon du Col de Barberine par une bande de calcaires clairs du Malm. Mais c'en est là le terme le plus élevé et il en découle très vraisemblablement que l'absence des autres, plus récents, résulte de leur laminage par la surface de chevauchement subalpine.
Cette bande calcaire se prolonge, plus au sud, sous la série bajocienne qui forme toute la rive occidentale du lac. Pourtant la majeure partie des couches de ce dernier versant est disposée apparemment à l'endroit (voir la page "Barberine") : elle prolonge donc apparemment le flanc normal de l'anticlinal d'Aboillon. |
image sensible au survol et au clic |
Quoi qu'il en soit cela porte donc à considérer que la surface axiale de l'anticlinal d'Aboillon se poursuit vraisemblablement en rive droite (occidentale) du vallon de Barberine avant de s'y faire sans doute sectionner par le chevauchement "subalpin" de la nappe de Morcles.
En définitive le versant sud de la Tour Sallière et les abords du col de Barberine apparaîssent donc comme un secteur crucial pour l'analyse des rapports entre les parties suisse et française de la Nappe de Morcles (voir la page "nappe de Morcles"), puisque c'est là que l'on voit le flanc inverse de cette nappe disparaître au profit du chevauchement de la série stratigraphique globalement à l'endroit des massifs subalpins septentrionaux.
coupe transversale de la crête frontière, au niveau du Bout du Monde et de la partie septentrionale du lac de Barberine (nouvelle coupe, en préparation).
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Mont Ruan |
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Finhaut, Châtelard, Croix de Fer |
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